Léa Rodrigues-Lalande, jeune, femme et vigneronne
« Je suis née en 1991, l’année d’un épisode de gel et de grêle terrible sur Bordeaux ». Ainsi commence l’histoire de Léa Rodrigues-Lalande. A l’époque, le vin était déjà une histoire de famille. Ses grands-parents étaient viticulteurs, mais ses parents s’en étaient éloignés : son père José est dans les bouchons de liège – directeur de Vinocor ; sa mère, gère un cabinet d’expertise comptable.
Et pourtant, cinq ans plus tard, tous deux se lancent le défi de redonner vie au Château de Castres. « Il y avait à peine 15 hectares de vignes et je me souviens qu’il pleuvait à l’intérieur du chai » se remémore Léa. Après plus de deux ans de travaux, les Rodrigues-Lalande peuvent enfin faire leur première vendange. Léa s’en souvient comme d’hier. Elle avait sept ans, c’était l’année de la coupe du monde, un été de liesse dans les stades … et dans les vignes.
« La famille est venue de toute France et du Portugal pour nous aider à vendanger. Le maitre de chai Roland répétait sans cesse : Surtout ne cueillez pas de raisin abîmé ! Si bien qu’à la fin de la journée, on lui a renversé sur la tête une baste qui contenait tous les raisins abîmés… C’était un moment heureux, et ça m’a profondément marquée. »
Autre bonheur s’il en faut : 1998 est aussi l’année de la Grande Médaille d’Or au concours mondial de Bruxelles pour le premier millésime du Château de Castres. « Ma mère n’y croyait pas … et c’est à ce moment que mes parents ont su ce qu’ils voulaient faire : du vin ». Et c’est ainsi que l’histoire des Rodrigues-Lalande vignerons, démarre.
Ils sont aujourd’hui propriétaires de quatre châteaux, deux dans les Graves et deux en Pessac-Léognan, soit près d’une quinzaine de vins en rouge et blanc. Mais c’est dans le tout premier, le Château de Castres, que vit désormais Léa.
Pourtant, encore enfant, rien ne prédisposait la jeune fille à prendre la suite de ses parents. « Je n’avais pas de rêve en particulier… je sais juste que j’étais créative, curieuse, et que j’aimais bien les maths ». Plus tard, elle fera des études de comptabilité, comme sa mère. Mais la vie de bureau ne l’attire pas.
Alors, à peine diplômée, la voilà qui quitte le métier, pour se lancer, comme son père, dans le vin. « Aujourd’hui c’est devenu ma passion. Et je ne remercierai jamais assez mes parents de m’avoir aiguillée sur ce chemin. Je sais pourquoi je me lève tous les matins. »
La jeune femme aime rompre le quotidien, ne jamais savoir comment va se dérouler la journée : « se laisser surprendre au chai, observer les vignes, goûter les assemblages… et surtout mettre la main à la terre, parce que ce qui compte, c’est avant tout la qualité du raisin. Je suis une terrienne ».
A ces mots Léa Rodrigues-Lalande jette un œil sur ses mains. « Je n’ai pas la French manucure, c’est sûr ». Il faut dire qu’elle n’hésite jamais à travailler dans les vignes, en même temps que ses employés. « C’est important de montrer aux autres qu’on est capable de faire le travail, pour être plus crédible avec les équipes … »
La crédibilité, voilà une problématique sans doute essentielle pour cette jeune femme de 26 ans, l’une des plus jeunes viticultrices dans la région bordelaise.
« Aujourd’hui beaucoup de filles jouent la carte féminine, un vin doux, séduisant… Pour ma part, je ne suis pas une femme qui fait du vin : je fais du vin ET je suis une femme » résume avec aplomb Léa Rodrigues-Lalande de sa voix grave qui ne trahit en rien sa jeunesse. Comme une manière de gommer cette féminité, cette candeur qu’on lui suppose, pour s’affirmer aussi dans un monde souvent masculin.
Pour elle, « déguster et partager une bouteille de vin, c’est participer à l’histoire de sa création, travail des hommes et des femmes : la meilleure façon de leur rendre hommage. »
Message reçu.
L’avenir des vins Rodrigues-Lalande est entre de belles mains, terreuses et volontaires.
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